mercredi 15 février 2012

Angelina Jolie, la guerre et l'illusion du témoignage

par Jean-Arnault Dérens Les blogs du « Diplo » - 15 février 2012 Pour son premier passage de l'autre côté de la caméra, l'actrice américaine Angelina Jolie n'a pas eu peur de surprendre. Au pays du sang et du miel est une fiction située dans le contexte de la guerre de Bosnie-Herzégovine. Même si l'on connaît les engagements humanitaires de la star, « ambassadrice de bonne volonté » du Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (UNHCR) depuis 2001, le choix de ce sujet, largement passé de mode, surtout outre-Atlantique, ne peut que forcer la curiosité, voire le respect, car on est tenté de supposer qu'Angelina Jolie a choisi elle-même de le traiter, sans qu'il lui soit suggéré. Il y a sans aucun doute aujourd'hui, à Hollywood, plus vendeur que la Bosnie ! Les surprises ne s'arrêtent pas là, car le film est atypique et n'est pas comparable aux superproductions hollywoodiennes qui prétendent montrer la guerre, comme Welcome to Sarajevo (1997) de Michael Winterbottom. Dans le film de Winterbottom, le schéma narratif est extrêmement simple : une équipe de télévision britannique, venant donc du monde « civilisé », est confrontée à la violence de la guerre menée par plusieurs tribus sauvages, dont l'une (les Serbes) est assurément la plus redoutable... Le spectateur, nécessairement occidental, est appelé à s'identifier à ces héros occidentaux - car il serait bien inimaginable qu'il puisse s'identifier à un personnage « indigène ». Les quelques films consacrés au travail du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), mêlant parfois fiction et documentaire, fonctionnent à peu près sur le même registre : des héros extérieurs (occidentaux) contemplent la barbarie et essaient de la juguler ou de la juger. Ici, rien de tel. Angelina Jolie n'a pas voulu prendre un point de vue occidental, mais elle a cherché à adopter un point de vue « bosnien ». Hormis le nom de la réalisatrice, il n'y a aucune star hollywoodienne susceptible d'attirer le spectateur. Le casting, excellent, ne parle guère qu'au public de l'ex-Yougoslavie, et à ceux qui connaissent les nouvelles cinématographiques de cette partie du monde. On retrouve ainsi Ana Marjanovic, née en 1983 à Sarajevo, qui fut révélée au grand public par Premières neiges, le bijou réalisé en 2008 par Aida Begic, ou bien Vanesa Glodjo, née en 1974 à Sarajevo, qui tenait un rôle central dans Sarajevo, mon amour de Jasmila Zbanic (2006)... Ces talents, jeunes ou moins jeunes, se regroupent autour du « chef de famille », l'immense acteur Rade Serbedzija, né en 1946 dans un village serbe de Croatie (...) Lire la suite de cet article de Jean-Arnault Dérens : http://blog.mondediplo.net/1199